Yaya Bela revisite l’infime espace entre la puissance des êtres et la nature sauvage. Mettant en scène des personnages hybrides et connectés au monde végétal et animal dans lesquelles les frontières entre les genres et les univers sont plus fines, elle nous invite ainsi à contacter et nous rapprocher davantage de la poésie qu’elle perçoit en ce monde.
La réappropriation des corps et des espaces, la puissance du dedans, la résilience, la recherche du point d’union entre le ciel et la terre, la connexion à la nature sont autant de thématiques qu’elle veut aborder dans sa pratique et ainsi proposer des surfaces dans lesquelles les corps se mêlent à la faune, la flore et le cosmos et ne s’en distinguent plus vraiment.
Dans un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur — et vice et versa, comme une respiration profonde, pouvoir mettre en matière ses ressentis et laisser librement exprimer qui l’on est ; laisser vivre son corps en respect de l’organique intérieur. Dans l’image, elle aime à créer le trouble ou l’émotion chez celui ou celle qui la regarde et telle une connexion de cœur à cœur, faire corps avec la personne regardant à travers l’image, mettre en lumière un ressenti enfoui — ouvrir une petite fenêtre intérieure. C’est en quelque sorte une manière de revisiter les mythes originels et de clamer leur importance pour chaque individu mais aussi pour nous collectivement en tant que société. Et ainsi questionner ce que pourraient être ces nouveaux réservoirs de sens et d’inspiration dans lesquels nous pourrions aller puiser du positif.
Réinventer des histoires communes qui font sens et qui seront perçues comme des vérités à un niveau symbolique. Les nouvelles allégories proposées osent rêver incarner les outils puissants espérés pour accompagner le changement ou les transformations.
Empreintes d’une fausse innocence, ces images simples appellent au questionnement et donnent matière à notre imagination, incarnant le point de départ de récits d’immanence.
En voulant rendre le visible tangible et palpable il s’agit de donner à voir l’émotion canalisée par l’artiste. Dans une quête perpétuelle de mise en matière de ses idées, Yaya Bela travaille la porcelaine pour donner à voir un univers évocateur, sensible et intimiste.
En baignant dans l’univers de l’image depuis petite, d’abord en étant modèle pour son père photographe puis en expérimentant elle même la photo et la chambre noire en passant de l’autre côté de l’objectif, elle crée ainsi le siège d’une relation à la mémoire, la nostalgie et le souvenir très
ancrée dans sa pratique plastique. Ses études d’Arts Plastiques puis d’Édition la poussent à questionner les liens entre le contenant et le contenu, la frontière poreuse entre l’objet et l’intention, l’écrin qui porte une œuvre, les petits détails qui font la préciosité de celle-ci…
Dans le rapport de l’artiste à l’œuvre il est essentiel de mentionner la grande part d’œuvres participatives qu’elle déploie. Comme si son lien à la création ne pouvait être complet sans un rapport autre avec le public.
Lors de ces dispositifs, échange, partage et coopération sont au fondement des œuvres participatives. Au cœur du dispositif, les « autres », celles et ceux qui habituellement sont exclu.e.s du système « art », sont invité.e.s à contribuer tel.le.s des êtres « politiques ».
L’œuvre à venir est prétexte à la création d’une zone de rencontre, d’espaces de recherches et d’expérimentations et surtout de déploiement d’identités multiples. En allant à la rencontre du public, Yaya Bela réaffirme son désir d’engagement auprès de l’humain, sa sensibilité au monde et son désir de contribuer à la création d’espaces d’expression de soi permettant de renouer avec nos forces et nos vulnérabilités.
Alors même que ce procédé collaboratif se nourrit de la multiplicité et de la richesse des êtres qui le composent, les pratiques utilisées par l’artiste viennent se mêler dans ces projets. Il n’est pas rare qu’ici, se chevauchent montages sonores, vidéos, photographies, dessins et usage de la terre, crue ou cuite. Comme si le lieu même de la rencontre humaine permettait le déploiement et l’hybridation des pratiques de l’artiste, par ailleurs plutôt bien cloisonnées.